Bien qu’en 2024, les premiers clubs de delta (Delta Club de Savoie, Delta club 82, AVOLIA) fêtent leurs 50 ans, tout comme la Fédération Française du Vol Libre que les libéristes ont créée en 1974, le deltaplane, de manière générale, fête ses 52 ans, puisque c’est en 1972 que Bill Moyes fait son premier vrai vol en décollant à pied avec son aile “Kite” en Australie.
Bill Moyes en 1974 et Serge le Puil à Chamoux en 1978
Quand on voit ces images anciennes et qu’on compare les deltas de l’époque avec les ailes actuelles, on ne peut être qu’admiratif devant les progrès accomplis en un 1/2 siècle.
Tecma Mambo (1994) et Ellipse Windee (2024)
Si on remonte encore plus loin dans le temps, et qu’on regarde les ailes des pionniers, l’évolution est encore plus extraordinaire :
Vol de Otto Lilienthal (~1895) et saut de Jan Lavezzari (~1904)
Cependant, ces évolutions n’ont pas été linéaires sur cette période, car quasiment tout a été inventé avant 1995:
- La première aile rigide, le Pegasus de Jürgen Lutz, date de 1995
- Un des premiers sans-mâts, le TopLess de La Mouette, date de 1995
- Les ailes intermédiaires double-surface de 1994 et 2024 sont quasiment identiques
Il y a bien eu le Woopy-Fly et le Delka, très innovants, mais où sont-ils aujourd’hui ?
Les Delka (~1994) et Woopy-Fly (~1999) de Laurent de Kalbermatten
Autrement-dit, depuis environ 30 ans, il n’y a pas eu de nouveautées technologique en delta. C’est d’autant plus étonnant quand on regarde l’évolution ces 30 dernières années de sports similaires : le parapente ou les bateaux à voile. Entre les parapentes de montagne qui pèsent tout-compris 2 kg ou les guns de compétition avec 10 de finesse à 60km/h, ou entre les bateaux de plaisance vieux gréement en bois de construction amateur et les bolides multicoques sur hydrofoils en carbone, la gamme des machines disponibles pour l’utilisateur est extraordinaire.
Alors, tout a-t-il déjà été inventé pour les deltaplanes ?
Tout ? Non, un groupe de deltistes irréductibles résiste encore et toujours à la fatalité, et a décidé de s’atteler à proposer des design modernisés pour les deltas de demain. Une troupe disparate de passionnés, jeunes et vieux, pilotes et moniteurs, concepteurs et compétiteurs, s’est retrouvé début 2023 par une série de vidéoconférences pour échanger leurs idées et expériences, et essayer de bâtir un ou des projets qui révolutionneront nos deltaplanes de demain.
L’idée de départ était simple : en partant du constat qu’il n’y a plus de marché commercial suffisant des deltaplanes pour justifier des investissements importants, tous ces inventeurs ont développé leurs idées plus-ou-moins seuls dans leur coin, avec des moyens limités. La dilution des ces énergies ne permet pas d’aller au bout des toutes ces idées; alors qu’en se mettant autour d’une table, en étalant les idées possibles et en sélectionnant les plus prometteuses, on se disait qu’on pourrait compenser le manque de finances par la coopération.
Les anciens au fond de la salle se gausseront que la même chose a déjà été tenté dans le passé… et a failli lamentablement :
"Nous montions alors un groupe de travail d'une petite dizaine de personnes avec des spécialités complémentaires, mais le projet patinait. Puis à St Hilaire en 2011, ce groupe se relançait en s'élargissant et allait tout casser. Cette fois c'était plus clair, pas de réponse aux messages, fin du groupe. Il y avait eu un gros travail de compilation de l'existant, analyse du besoin, réflexion, aspect confidentialité. Le groupe aurait fait bureau d'étude virtuel avant de transmettre le projet à un constructeur français."
Néanmoins, selon le principe des Shadocks qui dit qu’en essayant continuellement on finit par réussir, donc : plus ça rate, plus on a de chance que ça marche”, le groupe ne s’est pas fait démonter et a voulu (ré)inventé le delta de demain. Mais par où commencer un tel projet ?
Un premier tour de table a permis de faire ressortir les savoirs, savoir-faire et les différentes compétences que les participants pouvaient apporter au projet ainsi que les problèmes récurrents que peuvent rencontrer les pilotes de deltaplane. Les faiblesses du delta citées fréquemment étaient les suivantes :
- difficultés à l’atterrissage (taille de l’atterrissage)
- difficultés liées à la logistique de l’aile (taille, poids, transport, temps de montage…)
- performances des ailes intermédiaires à peine supérieure aux parapentes, et très en deçà des ailes rigides
- maniabilité (plus particulièrement en basse vitesse)
Modélisation 3D d’une aile performante
Bien entendu, il n’y avait ensuite aucun consensus sur la meilleure façon d’améliorer les ailes sur ces points. En recueillant de la bibliographie sur les ailes expérimentales de ces dernières années, et en extrapolant sur les technologies actuelles, le groupe a quand-même identifié 5 sujets qui sembleraient mériter des recherches plus approfondies :
- volets ou aérofreins : ça marche bien sur les ailes rigides
- motorisation électrique : pour décollage autonome
- ailes démontables court : en 2 mètres et léger, pour le voyage et le stockage
- ailes gonflables : tout est permis d’imaginer et même, il faut
- rigide 3 axes : successeur du Millenium ?
Dans la suite d’une série d’articles à venir, nous aborderons chacun de ces problématiques et tenterons de résumer les résultats des recherches du groupe pour explorer de nouvelles pistes de conception.
Le sujet t’intéresse ? Ecris-nous et rejoins le groupe !
Zoltan HUBERT