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Elles en l’air

Est-ce qu’il y a des femmes qui volent en deltaplane ? Le portage de l’aile au sol et son pilotage en l’air nécessitent des efforts monstres et une physique de surhomme ? Est-ce dangereux ? Si on s’y met, on sera sûrement embêtée par la logistique, non ?

Toutes ces questions sont légitimes, il faut bien se les poser avant de se lancer dans une telle aventure 🙂 !

Dans la suite de cet article, nous allons explorer ces questions à travers le témoignage de quatre femmes, pilotes de delta, membres de la Commission Féminines du Comité National Delta (CND) :

Alexandra, Nóra, Isabelle et Mélanie.

Alexandra, 52 ans, présidente de la Commission Féminines du CND :   

Alexandra à la Dune du Pyla

« J’ai commencé à voler en delta en 2009, j’ai appris en Corrèze, à Argentat avec l’école Toolaho. J’ai ensuite fait d’autres stages avec Atlantique Delta et l’école de Millau.

Je me suis mise au delta en observant un ami que j’accompagnais quand il a débuté l’activité.

A cette période je faisais pas mal de volley et je craignais de me blesser, alors je suis restée à distance. J’ai suivi la progression de mon ami, ces étapes qui rendent le 1er vol possible, alors que cela me paraissait inaccessible.

J’ai vu ce plaisir inouï et répété à chaque essai en pente école et les premiers grands vols… la joie de partager et de refaire le vol avec les copains. Et puis j’ai fait un biplace et du simulateur aussi, une aile sous une tyrolienne, enfin j’ai vécu le vol moi-même… Je n’avais plus de doute, j’ai décidé de commencer ma formation ! Je me suis fait plusieurs entorses depuis … mais c’est en jouant au volley. » 

Nóra, 30 ans, présidente de la Commission Vie Associative du CND :  

Nóra en l’air

J’ai découvert le deltaplane par un vol en biplace en il y a 6 ans à Saint Hilaire. Le vol a dû durer 3 minutes, pas plus, et je n’avais aucune idée de l’aventure dans laquelle je m’engageais…. Je savais d’un coup sûr qu’un jour j’allais (re)faire du deltaplane…

Et malgré ce déclic, je n’ai pas commencé tout de suite par le delta, j’ai d’abord appris à voler en parapente parce qu’à cette époque-là, ça me paraissait plus accessible. Mais le souvenir de la sensation du vol à plat ventre est resté gravé dans ma mémoire. 

J’ai fait 15 jours de stage (initiation et perfectionnement) à Millau en mai 2021. Depuis, j’ai fait du deltaplane mon activité principale et je pense que l’accessibilité de ce sport n’est pas vraiment un sujet, surtout si on a ce petit côté passionnel et si on est bien entouré ! 

Au bout de trois ans, ma pratique évolue encore : je viens de me former au vol biplace avec le Delta Club du Haut Jura et d’acquérir le statut aspirant. C’est une nouvelle forme de partage que je découvre et que j’apprécie énormément.

Nóra sous le biplace avec Kalie comme passagère

J’ai accepté de rejoindre la commission féminines pilotée par Alexandra, et même si, je dois avouer que je suis pour la pratique mixte, je trouve que c’est important de s’intéresser et comprendre pourquoi ce sport attire moins les femmes que les hommes et quels sont les différents éléments qui peuvent freiner ou favoriser la pratique féminine du vol libre.    
 
Si j’avais un mot à dire aux pratiquantes, ça serait un mot adressé aux ex-deltistes qui ont mis de côté leur passion pendant un moment pour devenir maman :  
 
« Si vous êtes maman et que vos enfants sont assez grands maintenant, il est peut-être temps de songer à la reprise !? La troisième dimension ne vous manque pas ? La petite brise sur votre visage au décollage, vous en rappelez ? le pilotage ne s’oublie pas, c’est comme le vélo ! Les hommes s’autorisent peut-être plus facilement de partir en weekend ou sortir à la journée avec les copains en laissant la famille à la maison. Pourquoi ? En quoi les mamans auraient plus de responsabilités et plus d’obligations que leur conjoint ? Les hommes veulent bien s’occuper (aussi) de leurs enfants, il faut les laisser faire ! Laissez faire les hommes et allez prendre l’air, Mesdames ! » 

Malgré l’apparence d’un sport individuel, le delta est au contraire très collectif : nous avons besoin de l’un l’autre pour aller voler, pour progresser, pour faciliter le transport, le stockage, les récups, etc. ! Je pense qu’avec une vraie vie associative, les contraintes perçues du delta peuvent être complètement effacées ! Un club qui propose des moyens de stockage adaptés, des sorties régulières et un accompagnement des nouveaux et nouvelles pilotes, peut compenser tous les points “faibles” du delta !

En ce qui concerne le physique, piloter un delta ne demande pas énormément d’efforts, même si c’est peut-être bien plus sportif que le parapente ! Au sol, on peut devoir porter une vingtaine de kilos mais la plupart du temps on porte à deux ! Une fois en l’air, plus de contraintes, c’est magique !  

Pour en faire sa propre idée, on peut contacter les clubs qui proposent régulièrement des journées de découverte, et en une seule séance (si les conditions sont favorables), on peut sentir les sensations semblables au vol et la magie de la sustentation ! » 

« Une fois que vous aurez goûté au vol, vous marcherez pour toujours sur la terre les yeux tournés vers le ciel, car vous y avez été et vous aurez toujours envie d’y retourner. » 

Léonard de Vinci
Isabelle et sa petite famille

Isabelle, 26 ans, vieille deltiste et jeune maman : 

« J’ai 9 ans lorsque j’expérimente pour la première fois le vol libre, en biplace parapente. À 17 ans, malgré une vie d’étudiante parisienne très ancrée, je décide d’apprendre à voler. Sans hésitation aucune, c’est le deltaplane qui m’appelle sur ses pentes écoles.  
 
« Je t’interdis d’en faire ! » m’assène alors ma mère. Aïe ! Heureusement, l’école delta de Millau n’a besoin que de l’autorisation d’un parent et mon père est complice de l’affaire.  
 
C’est le début d’une belle série de stages à Millau qui, année après année, me retrouvent à chaque fois un peu plus aguerrie.

Je leur amène des compagnons en initiation, et le plus jeune en date n’est autre que mon fils de 9 mois, l’été dernier ! 

Je suis très fière d’avoir persévéré dans cette discipline : j’ai désormais mon matériel, mon brevet de pilote, et depuis peu, nous explorons les sites aux alentours de chez nous, à Toulouse, avec mon mari (deltiste obligé). Une deuxième grossesse me maintient les pieds sur terre cette saison, mais rien n’arrête l’élan qui nous porte à améliorer notre pratique. 

Je prends plaisir à superviser les décollages et les atterrissages, je visualise la gestuelle, et je prends mon bien en patience ; car s’il y a bien une qualité nécessaire à ces deux pratiques de haute voltige que sont la maternité et le deltaplane, c’est bien la patience ! »

Tout ce qui est bon est léger, tout ce qui est divin court sur des pieds délicats.

Friedrich nietzsche

Mélanie, 42 ans, pilote en progression dans le Cotentin :

« Je commence tout juste le delta, depuis l’année passée, et j’ai actuellement 5 grands vols à mon actif. J’ai appris avec l’école Toolaho en Corrèze. Je reprends la pente école cette année avec le Cotentin Vol Libre avant de reprendre les grands vols, par précaution.

Je n’ai jamais pensé voler en parapente, cela viendra peut être un jour mais cette discipline ne m’attire pas vraiment. Le delta était une évidence, et je crois que beaucoup de gens, dont je devais faire partie moi-même, sans m’en rendre compte, pensent que l’activité delta n’existe plus.

Quand on parle de voler, c’est pourtant la seule qui me vienne a l’esprit tant sa conformation paraît évidente.
Les contraintes de mise en place sont les raisons évoquées par ceux qui lui préfèrent le parapente.

Pour ma part, hormis la place que prend l’aile, il n’y a pas vraiment de contraintes : je vois le delta comme une philosophie, avec un très bel objet, qui est là, qui s’impose, que l’on doit prendre du temps à préparer, et qui viendra se poser comme deux ailes dans mon dos pour me permettre de voler comme un oiseau…. Ces « contraintes » valent bien le coup!

L’apprentissage est un peu laborieux pour moi qui ne suis pas sportive, mais étonnamment, assez rapidement, on comprend la technique de portage de l’aile et cela n’est plus une difficulté. Ensuite il faut s’entraîner, pour répéter les gestes du décollage, qui doivent devenir automatiques. Cela demande du dépassement car il faut remonter la pente école de nombreuses fois à pied, gérer la frustration aussi. Et surtout, l’activité apprend la modestie et l’humilité car on est très vite confronté à la nature et aux éléments, qui peuvent très vite nous rappeler combien fragiles nous sommes.

Je pense que le delta est tout aussi accessible pour une femme que pour un homme, sauf peut être pour la maternité qui peut devenir un facteur limitant dans la prise de risque ? C’est en tout cas mon cas : bien que peu « casse-cou », j’ai maintenant le sentiment de devoir faire encore plus attention depuis que je suis maman.

La forme physique n’entre pas en considération je pense, car très vite, c’est l’aile qui travaille, elle nous prend en charge, nous ne sommes « que » passager-pilote.
La communauté, bien que grandissante, est petite encore. Elle est là comme une famille dans laquelle les hommes sont plus nombreux, et donc accueillants, selon moi, aux nouvelles deltistes féminines. J’ai été très accompagnée dans mon club depuis mes débuts et je pense que cela a beaucoup joué pour me faire progresser si vite ! »

Ces quatre femmes deltistes ont l’air… de vouloir faire découvrir aux hommes et aux femmes-oiseaux leur passion pour le deltaplane et de pouvoir proposer des activités mixtes ou bien spécialement conçues pour les femmes, sur mesure et adaptées à leurs envies, notamment si elles souhaitent apprendre et progresser entre elles ! Elles n’ont qu’à prendre contact avec la commission : feminines-cnd@ffvl.fr !  

Salutations,
Les filles de l’air !